Cafe flesh – Stephen Sayadian (1982) // Boogie nights – Paul Thomas Anderson (1997)

USA – EXTRAITS

Voilà un film complètement inouï, un véritable OVNI. Signé à la base par le pseudonyme Rinse Dream, je le découvris très tard dans la nuit et je me pris une véritable claque alors. Intrigué par un rapide écho, je ne savais pas sur quelle oeuvre j’allais tomber. L’atmosphère de science-fiction dégagée, le propos noir sur la sexualité et les corps du « futur » après une apocalypse nucléaire, les imageries hallucinantes, la BO qui est dingue tout à fait en phase avec les images… Classé « pornographique » (il me semble), le film n’est pas un porno tel qu’on peut l’entendre aujourd’hui. C’est au contraire, de ce point de vue, comme une mise en abîme du porno, une vision annonçant le devenir du cinéma porno, et la réification notamment des corps, ce cinéma relégué dans le marché vidéo et les « oeuvres » pauvres véhiculées (Café flesh aura ceci dit un grand succès sur le marché de la vidéo !). On peut y voir comme une annonce, avec le recul d’aujourd’hui, de l’industrialisation de cinéma, autrefois clandestin mais plus imaginatif, créateur, avec son lot d’exubérances; les années 80 sont en effet le tournant conduisant à l’explosion de la vidéo et du porno amateur, ainsi qu’aux réseaux de diffusion de plus en plus mercantiles, contribuant à une production de masse.  La sexualité vivante disparaît, elle est devenue fonctionnelle, hiératique, froide. Pour ce qui est de la production visuelle, c’est le règne de la standardisation, de la répétition clinique du désir et du plaisir.  

Nous sommes dans le film avec une démonstration du corps qui n’est plus que mécanique, où le désir et le plaisir sont comme un mythe perdu. L’imaginaire libre semble absent du désir qui est imposé par des saynètes incroyables : le désir et le plaisir sont possédés et monopolisés par le « spectacle » des saynètes, devant des spectateurs morts-vivants. Le public « fantasmant » devant celles-ci en dit en effet beaucoup; c’est comme un voyeurisme impuissant devant un sexe laid, effrayant, froid, dégageant peut être une critique de la misère sexuelle, où la marchandisation a fait ses dégâts. Y a t il peut-être comme une virtualisation extrême du rapport du spectateur-public dans le film/spectateur des films (derrière les écrans de T.V etc) au sexe, désir et plaisir, dépendant du statut réifié de la sexualité, contrôlée de A à Z par le nouveau registre des images standardisé ? J’extrapole peut être, mais ce film m’a donné de telles sensations alors. Peut être devrais-je le revoir une seconde fois, et davantage apprécier aussi un second degré, où l’humour n’est pas absent; je pourrais peut être dépasser la fascination de la première vision éh éh. En voir d’autres aspects aussi. Car il y a des imageries recherchées, dans un décor space. Car le film n’est pas que « porno », c’est aussi un climat futuriste, hors-normes, se prêtant à diverses réceptions et ressentis, à coup sûr ! Véritablement un OVNI. 

Deux suites ont été réalisées à ce premier opus, mais il semblerait qu’elle n’aient plus rien à voir… 

Je vous renvoie aussi à cette chronique du très bon site Devildead, fertile en inspirations de films à tenter de voir, souvent méconnus (conseil de cinéphile). 

Deux extraits disponibles, dont surtout le premier, qui est l’ouverture du film. Superbe moment que cette amorce de la première saynète… de quoi vous intriguer, j’espère. Car encore une fois mes impressions données en introduction de ces extraits ne visent nullement à réduire ce film à ces aspects !

 

En parallèle, pour ce qui relève du cinéma porno des années 70 et 80, je renvoie inévitablement à un film de fiction du cinéma indépendant américain, fort réussi, de Paul Thomas Anderson : Boogie nights (1997). Un film qui peut se voir en partie comme une vision documentaire de ce cinéma, entre plaisir, bas-fonds, kitsch et industrialisation croissante, avant l’arrivée de la vidéo (une industrialisation du plaisir annonçant le tournant des années 80 ?). Car c’est encore le Cinéma avec des tournages « rigoureux » (si je puis dire). Peu à peu les personnages, très attachants  (Mike Wahlberg dans le rôle principal, mais aussi Julianne Moore !), se dégagent subtilement, se complexifient (un côté social d’ailleurs émerge) et le film est un véritable petit bijou. Réflexif, drôle, dramatique et évoquant donc un certain porno, sans tomber dans le potache à tout va, et avec pour ce qui nous intéresse ici le déclin annoncé de ce cinéma… Le film ne juge jamais ce cinéma en fin de compte et laisse au spectateur en faire son impression. Il lui donne juste visage humain et social, sans jamais tomber dans la caricature négative, ni l’apologie et surtout évite donc tout moralisme ! Quant aux années traversées, la BO est bien choisie, aspect non négligeable de la réussite du film. Bref une oeuvre qui garde trace et témoigne donc d’un certain cinéma disparu, et le premier GRAND film de Paul Thomas Anderson, réalisateur américain contemporain que je trouve incontournable (Magnolia, There will be blood etc)…

Extraits :

Trailer (VOSTF) :

 

Ouverture :

 

Scène de la fête dans le « milieu »: 

 

Scène terrible :