Le film est déjà commencé ? – Maurice Lemaître (1951)

France – EXTRAITS 

Dans la foulée de Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou, évoqué ICI sur le blog, voici donc le film de Maurice Lemaître qui s’inscrit dans la continuité, sorti quelques mois après. Il reprend deux aspects du film d’Isou, à savoir le cinéma « discépant » et « ciselant ». Le dispositif cinématographique classique est davantage bousculé ici, notamment par la venue d’acteurs dont la fonction est de perturber le passage du film (file d’attente, projection), tandis que l’écran est censé être aussi obstrué par des éléments. 

Voici la présentation officielle du film, tirée du site internet Maurice Lemaître :

« Cette séance de cinéma s’attache aux différents termes du spectacle filmique: son, image, écran, salle et les bouleverse séparément. Elle les réintègre ensuite dans un combiné théâtral complexe qui comprend :
1 – Une image au montage accéléré en diachronisme avec le son. Cette image elle-même ciselée, c’est-à-dire dessinée sur les vues des motifs abstraits, symboliques ou anecdotiques qui ajoutent au sens de celle-ci.
2 – Un son conçu comme un «en-soi» indépendant, qui comprend: (a) une réflexion esthétique et économique sur l’art du film ; (b) une description d’une séance de cinéma imaginaire, dont la forme s’inspire des découvertes romanesques de Joyce ; (c) une introduction à priori des critiques diverses que l’on pourrait faire au film, venant de divers horizons esthétiques ou politiques. Le tout est mixé sur une musique nouvelle: le Lettrisme.
3 – Une élévation de l’écran du poste de machiniste au rang de vedette, c’est-à-dire l’introduction d’un écran esthétique nouveau (non pas un écran mécanique perfectionné, comme l’écran donnant le relief à l’image) qui jouera le rôle primordial dans le nouveau combiné cinématographique.
4 – L’introduction dans la salle d’acteurs avec une mise en scène les mouvant dans le cadre de la représentation elle-même et en rapport avec le film.« 

 

Un article intéressant de Gérard Courant est consacré ICI à Maurice Lemaître, intitulé « la subversion lettriste : Maurice Lemaître » (1976), dont voici un extrait : « Mais ce n’est pas tout – subversion suprême – Maurice Lemaître pirate l’image de manière quasi continue. En récupérant de la pellicule déjà impressionnée par d’autres cinéastes, Lemaître fait sienne cette pellicule. Et, par un montage habile et inventif, il parodie maintes scènes anodines grâce à une bande sonore très personnelle composée de poèmes lettristes faits d’onomatopées et de commentaires off.Héritier des surréalistes, des dadaïstes et des cinéastes abstraits des années 1920, Maurice Lemaître a su allier esthétique et politique sans que l’un prenne le pas sur l’autre, ce qui n’est pas une mince performance et justifie pleinement la réévaluation de son oeuvre qui est en cours actuellement. »

Enfin une interview de Lemaître, ICI sur Brdf, réalisée en 2001.