Pelé, Garrincha, dieux du Brésil – Jean Christophe Rosé (2002)

EXTRAITS

Dans la foulée de Onze footballeurs en or évoqué sur le blog, voici un autre excellent documentaire de Jean-Christophe Rosé dont les films sont régulièrement primés, à juste titre, dans les festivals bien que réalisés pour la T.V. Encore un bon film donc qui fut notamment diffusé au forum des images en juin 2005 lors d’une rétrospective consacrée au Brésil, dans le cadre de « Brésil, Brésils » l’Année du Brésil en France. Là encore Rosé construit le documentaire avec des archives conséquentes, expose un commentaire voix off pertinent, et met en parallèle/rencontre sport et Histoire, soit ici celle du Brésil des années 50 à 70.

 

A ma connaissance le film, comme pour d’autres de Rosé, ne dispose toujours pas d’une sortie DVD. Ci-dessous quatre extraits, nous sommes un peu plus « gâtés » que pour Onze footballeurs en or qui reste toujours aussi difficile d’accès y compris pour quelques extraits.

Voici la note d’intention de Jean-Christophe Rosé :

« Après Les rois du ring (1994), Fausto Coppi, une histoire d’Italie (1995), Onze footballeurs en or (1996), L’odyssée du coureur de fond (1997), Ray Sugar Robinson, une légende d’Amérique (1998), j’ai voulu réaliser dans cette veine, un autre film qui me tenait à cœur. Il raconte le football brésilien. Au départ la coupe du monde de Suède au printemps 1958 et une simple bande de gazon sur laquelle évoluent deux footballeurs d’exception; Pelé un jeune adolescent paré de tous les dons et Garrincha un clown génial du ballon rond. Deux soleils noirs qui vont apprendre à la génération du baby boom européen –dont je suis- qu’il existe quelque part au delà des mers, un pays vaste comme leur propre continent, dont le football enchanteur est le sésame. Le Brésil est le pays du football par excellence. Il est la seule nation qui a participé à toutes les éditions de la coupe du monde depuis sa création en 1930 ; la seule qui a gagné quatre fois l’épreuve, après avoir participé sept fois à la finale. Là-bas, le « Futebol » est toujours intimement lié à l’histoire des mentalités.
L’éclat du Dieu noir Pelé, figure la réussite d’une élite tandis que le destin tragique de Garricha le «sombre diable», incarne le sort de la majorité. La montée au firmament de l’un et la descente aux enfers de l’autre nous montre dans une belle métaphore, combien l’opposition des extrêmes est souvent l’apanage des pays en voie de développement. Merci au football de me l’avoir si bien donné à voir; puisse-je bien le montrer à mon tour dans ce film.
Pourtant l’osmose entre le sport et l’histoire qui justifie que les grands évènements sportifs ne soient pas laissés aux seuls spécialistes, n’est pas la chose la plus importante.
Au Brésil plus que partout ailleurs, on se rend chaque dimanche dans des stades placés souvent au cœur des grandes villes. Pas seulement pour oublier une certaine misère comme le pensent certains, mais aussi parce qu’au milieu de ses semblables, devant un tapis de terre et sur des stades à ciel ouvert, avec une balle ronde comme l’enfance, on replonge en pleine innocence. Chaque grand joueur devient une légende. Sa geste avec tout ce qui l’entoure, comme celle de tous ces grands champions qui ont jalonné notre jeunesse, participe de nos années d’apprentissage,
au même titre que n’importe qu’elle autre œuvre d’art. »

 

Onze footballeurs en or – Jean Christophe Rosé (1996)

EXTRAITS

Jean-Christophe Rosé a déjà à été évoqué ici sur le blog à travers le superbe documentaire Fausto Coppi, une histoire d’Italie.

Le présent film est une autre très belle réussite en terme de documentaire sportif. Une fois de plus le réalisateur exerce un montage d’archives rares et pertinentes, au service non seulement d’une histoire footballistique à savourer, celle de la merveilleuse équipe hongroise des années 50 et notamment le très grand Puskas, mais aussi en la mettant en relief avec l’Histoire de la Hongrie d’alors. Comme pour Fausto Coppi, une histoire d’Italie, le cinéaste raconte une Histoire d’un pays à travers un mythe sportif. Dans son travail, le commentaire off n’est pas simplement une illustration et constitue une part importante du film. L’ensemble donne des liens complexes entre une histoire sportive et « le peuple » qui s’y retrouve (et vice versa ?), malgré l’évidence de rapports entre le pouvoir d’un pays et son représentant sportif. Rosé, une fois de plus, fait du sport quelque chose de très fort. Il est un cinéaste à part dans le domaine du documentaire sportif, effectuant un travail considérable, qui dépasse la simple retranscription d’exploits sportifs, auxquels n’échappent pas les documentaires bateaux et leurs lots de conventions biographiques, idolâtres dont on se fout, dans le fond, complètement. Rosé utilise les archives dans une optique de construction d’une vision, ouverte aux imaginations et interprétations populaires d’un mythe sportif, au-delà des récupérations du pouvoir. Onze footballeurs en or s’achève dans la douleur : l’invasion des chars soviétiques à Budapest. En six ans (1950-56), l’équipe de la Hongrie perdra un seul match, en finale de coupe du monde de 1954, à Berne… face à la RFA. Pour dire à quel point cette défaite hongroise fut un évènement incroyable, ce dernier match a fait a lui tout seul l’objet d’un documentaire intéressant, Le miracle de Berne de Guido Knopp et Sebastian Dehnhardt (2004), mais avec une dimension nettement inférieure au film de Rosé (une fiction Le miracle de Berne de 2003 prend également cette finale comme trame du récit). Par ailleurs, pour la grande anecdote, cette finale gagnée par l’Allemagne en 54 constitue ironiquement la toile de fond sonore du terrible final du Mariage de Maria Braun de Fassbinder – la séquence est visible ICI sur le Blog. Voilà un cinéaste qui en a fait quelque chose de très moche… Des éléments de la fin du documentaire qui lui est consacré ne sont pas non plus forts élogieux (soupçons de dopage etc). 

Il est fort dommage qu’ Onze footballeurs en or ne dispose que de deux extraits sur le net. Tous deux portent sur les rencontres Hongrie-Angleterre. N’y voyons pas là, en ces temps d’Euro 2012, une manière de porter la poisse aux anglais avant leur quart de finale de ce 24 juin face aux « diables » italiens dont ne se méfie jamais assez (à tort) quand ils ont l’air de ne pas briller. C’est tout ce qu’il y a de dispo à ce jour sur la toile. Si vous pouvez vous procurer ce documentaire en DVD ou en le commandant en médiathèque, je vous y encourage vivement!

Blog du Footichiste : « Le 23 novembre 1953, un match particulier se déroule dans l’enceinte de Wembley. L’équipe nationale d’Angleterre, sûre d’elle, reçoit une équipe invaincue depuis trois ans, la Hongrie. Pour beaucoup de chroniqueurs de l’époque, il s’agit ni plus ni moins du “match du siècle”. La confrontation très attendue entre deux équipes toutes deux considérées comme invincibles. A la stupeur générale, la rencontre se transformera en une symphonie magyare dont l’ampleur du score suffit à résumer la victoire : 6-3. Le destin de cette équipe magyare, championne olympique en 1952, sera alors unique. Devenus malgré eux les instruments de la propagande communiste du gouvernement de Budapest, les joueurs alignent les matches avec autant de victoires. En six ans, cette équipe ne connaitra qu’une seule défaite. Et quelle défaite ! C’était la finale de la Coupe du Monde, le 4 juillet 1954 à Berne. Deux ans plus tard en 1956, l’insurrection du peuple magyar est matée par les chars soviétiques. Au moment des événements, les joueurs sont à l’étranger, notamment avec le club de Honved. Ils ne rentreront jamais au pays. C’est la fin dramatique d’une mythique équipe de football, dépassée par l’Histoire. »

ICI : Extrait 1 : Angleterre-Hongrie (1953) : 3-6

ICI: Extrait 2 : Hongrie-Angleterre (1953) : 7-1

Post Scriptum : sur le site Le footichiste, dans l’article « Hongrois rêvés », il est précisé, en commentaires, que le film n’a toujours pas été édité en DVD par Arte, d’où sa quasi inaccessibilité. En attendant sa sortie, il reste la possibilité d’en guetter une prochaine diffusion T.V et de sortir les enregistrements ! Pour ma part mon seul exemplaire venait d’un enregistrement VHS lors d’un passage sur Arte…

Fausto Coppi, une histoire d’Italie – Christophe Rosé (1996)

Christophe Rosé – Fausto Coppi, une histoire d’Italie – 1996

Voici un formidable documentaire sportif et historique, à travers ce retour fortement documenté et très bien écrit sur la carrière d’un des plus grands cyclistes mondiaux, Fausto Coppi. Jean-Christophe Rosé a réalisé un autre très bon documentaire sur l’équipe nationale de football hongroise des années 50 (Onze footballeurs en or). Comme pour ce Fausto Coppi une histoire italienne, le réalisateur fait un parallèle très intéressant entre un mythe sportif et l’Histoire politique d’un pays, notamment en évoquant la fameuse insurrection hongroise de 1956, et toujours avec des archives conséquentes, des formidables images non seulement sportives que ne peuvent que savourer les amateurs de (beau) football, mais aussi historiques.

Ici Rosé à travers son évocation de la carrière de Coppi aborde également l’Histoire de l’Italie des années 20 aux années 60. Le duel Bartali-Coppi des années 40 et 50 nous occasionne de très belles images, et l’ampleur de leur rivalité trouve des résonances jusque dans l’histoire politique italienne; ainsi Bartali est associé à la Démocratie Chrétienne, tandis que Coppi est davantage associé aux progressistes et à une certaine gauche italienne. Quel plaisir de savourer en images les premiers exploits de Coppi, en particulier son 1er doublé Giro-Tour de France en 1949, le premier cycliste à réaliser cet exploit. On ne peut qu’apprécier ces aperçus d’un cyclisme d’un temps révolu, où les coureurs devaient affronter les imprévus avec les moyens du bord et le système D, telles les crevaisons (une pompe et une chambre à aire!).

La première grande période de Coppi est dans le documentaire mise en parallèle avec la reconstruction italienne d’après-guerre. Ce sont les exploits les plus beaux et les plus périlleux. Puis le documentaire démontre bien également le tournant qu’incarne Coppi pour le cyclisme mondial par ce qu’il apporte en nouveautés (régime diététique, équipement sportif très étudié et amélioré, entrainements spécifiques). Fausto Coppi devient une véritable machine humaine, au rendement infaillible. Ce second volet de carrière qui hisse Coppi aux sommets et le range définitivement dans la légende du vélo, est moins attachant mais très éclairant sur la conception moderne du vélo qui pointe son nez à travers « le campionissimo », à un moment où « le miracle économique » va également faire son apparition en Italie. Le 3eme volet s’attarde sur une facette plutôt négative de Coppi: starification et concessions faites au monde publicitaire et médiatique, scandales dans sa vie privée…Coppi n’échappe pas à son temps et à la société de consommation, qui se développe avec sa télévision notamment (formidables archives télévisuelles du documentaire qui rend palpable aussi l’importance qu’a pu prendre la télé et ses émissions stupides). Coppi alors démontre une facette moins élogieuse, une certaine faiblesse devant son temps. Mais tout cela ne rend peut être que plus beau ses exploits cyclistes, réalisés au final par un être humain qui a su donner au cyclisme ses lettres de noblesse face à des concurrents également incarnant une belle époque cycliste (les Bartali, Robic, Bobet,…).

Coppi a atteint la légende populaire, très belle conclusion du film: foule énorme sur un sommet alpestre et très belle musique de Bach… »Forza Fausto »…