Panique – Julien Duvivier (1946)

France – EN ENTIER – 91 mn

Julien Duvivier est un cinéaste français important, et que j’apprécie tout particulièrement pour ses réalisations d’une période du cinéma français qui m’est favorite : celui des années 30 (il y réalise notamment le génial La belle équipe en 1936) et une partie des années 40.

Présentation orale de Panique :

Panique permet de savourer la contribution d’un scénariste-dialoguiste incontournable de la période : Charles Spaak. Ce dernier est un de mes favoris de la période, aux côtés de l’excellentissime Henri Jeanson (évoqué ICI sur le blog). Pour le plaisir, cet extrait final de La fin du jour (1939), plutôt symptomatique d’une noirceur, souvent commentée, de la filmographie de de Duvivier, avec l’apport de Spaak – pour les amateurs du génie musical de Maurice Jaubert dans le cinéma, j’ai posté ce même lien dans un post qui lui est consacré ICI sur le blog :

Je m’emballe, mais voici une vidéo d’un autre film de Duvivier, La charrette fantôme. Ce film n’est pas souvent apprécié, à ma connaissance, des critiques. Pour ma part je le trouve magnifique, tandis qu’y sont présents Louis Jouvet (sans doute mon acteur français préféré) et Pierre Fresnay ! Micheline Francey y est totalement magique dans la mise en scène et chaque vision me rend toujours autant fasciné par sa présence. A noter que ce film est un remake d’un chef d’oeuvre indépassable, d’où peut être aussi des critiques mitigées : La charrette fantôme du suédois Viktor Sjöström, réalisé en 1920…

 

Pour en revenir à Panique, il est à souligner illico presto l’association brillante de deux acteurs superbes : Michel Simon et Viviane Romance. On a beau dire que le cinéma français de la période est du « théâtre filmé » etc, ce que je ne rejoins pas comme réduction caricaturale (les Sacha Guitry, Julien Duvivier, Marcel Pagnol, Pierre Chenal… font bien plus que cela !), ici l’apport des acteurs est considérable.

Quant au sujet il  rappelle la teneur du film Le corbeau de Clouzot quant à la délation, qui suscite diverses interprétations (je note au passage que ce fut le premier film français, à ma connaissance, évoquant l’avortement, tandis qu’il ne tombe pas dans un manichéisme en tant d’occupation allemande et se situe loin d’une France résistante glorieuse… réalisé en 1943, il valut à Clouzot les rancunes à la libération, quand le mythe de la résistance reprit le dessus et où règlements de compte avaient bon train – je renvoie à l’écrivain Albert Paraz et particulièrement à son Gala des vaches pour sa vision livrée de cette période post occupation !). Pour le plaisir aussi, je renvoie à la séquence hors du commun du Corbeau de Clouzot, ICI sur dailymotion ! (« Où est l’ombre, où est la lumière » et cet acteur de « second plan » génial qu’était Pierre Larquey !)

 

Panique fait part, au-delà de l’esprit de délation révélateur d’une certaine lâcheté très partagée par le commun des mortels, d’une sévère critique de la norme qui punit et empoisonne la marginalité tout y associant « le mal ». Michel Simon y incarne un « marginal », vaguement « anarchiste » pourrait-on dire, qui tombe amoureux de Viviane Romance. Il y a bien Henri Jeanson pour sévèrement s’en prendre à la chose amoureuse et je renvoie par exemple à un de mes films de chevet Un revenant qui au-delà de la bourgeoisie lyonnaise ridiculisée et mise à nu sur sa stupidité, antithèse de la vie et vulgarité, s’attaque aussi à l’amour et ses aspects dérisoires). Duvivier ici n’est pas tendre non plus, et c’est assez violent; Viviane Romance est parfaite et incarne à merveille une garce.

Bref, je laisse savourer ce très bon film, d’une noirceur impressionnante quant à la nature humaine, tandis que la mise en scène renoue en partie avec le réalisme poétique du cinéma des années 30. Le film a été un échec commercial et critique à sa sortie…