La Couronne cherche-t-elle à nous faire la guerre ? – Alanis Obomsawin (2002)

Alanis Obomsawin – La Couronne cherche-t-elle à nous faire la guerre ? – Canada – 96 mn

« Pourquoi nous empêcher de pêcher ? Ils ont 240 000 cages là-bas. 240 000 cages ! On en a que 5 600. Je ne comprend pas pourquoi ils en font tout un plat. Nos 5600 cages menacent la conservation de l’espèce, alors que leurs 240 000 cages à eux, c’est leur gagne-pain. Je ne comprend pas.  »

Indien Mi’gmaq

Synopsis : « Long métrage documentaire sur la petite communauté autochtone d’Esgenoopetitj, ou Burnt Church, au Nouveau-Brunswick, à qui le gouvernement canadien semble avoir déclaré la guerre à l’été 2000. Comment expliquer cette attaque? Pourquoi des officiers du gouvernement canadien ont-ils recours à un tel comportement envers des citoyens qui exercent un droit reconnu par le plus haut tribunal du pays ? »(ONF)

DOCUMENTAIRE EN INTEGRALITE

Pour le voir avec le sous-titrage français : cliquer ICI (site de l’ONF)

Comme d’autres documentaires de sa filmographie, la cinéaste indienne Alanis Obomsawin fait le récit d’une résistance amérindienne avec une subjectivité assumée et une approche formelle relevant du récit où les premiers concernés transmettent leur vécu et leur point de vue. La communauté d’Esgenoopetitj est une première nation Mi’gmaq confrontée à la législation fédérale du territoire qui leur ôte le droit de pêche malgré un jugement de la cour suprême. Déjà en 1984 Alanis Obomsawin avait réalisé un documentaire sur une communauté Mi’gmaq ne pouvant subvenir librement à ses moyens de subsistance par la pêche : Les événements de Restigouche qui pointe aussi du doigt les contradictions du gouvernement provincial québécois agissant en colonialiste des peuples autochtones.

Egalement conçu à partir d’images tournées par les Mi’gmaq, le documentaire témoigne de la permanence de l’injustice et de la répression s’abattant sur les peuples autochtones du Canada quand bien même leurs territoires n’ont été cédés par aucun traité et que les traités existants ont stipulé le maintien de la liberté des amérindiens à disposer économiquement des territoires (chasse, pêche, commerce…). En parallèle à l’évocation de démarches juridiques, le film relaie la résistance de cette communauté Mi’gmaq qui s’exprime par le maintien de la pêche malgré les interdits et les mesures limitatives (« c’est comme prêter de temps à autre une voiture volée » dit un Indien), le racisme des pêcheurs blancs (exprimant une franche hostilité aux droits de pêche des Indiens) et la complicité de la gendarmerie royale du Canada (GRC) avec les agents du Ministère Pêches et Océans. Comme d’autres films ayant trait aux peuples Autochtones, l’aspect environnemental est présent à travers le rapport traditionnel des communautés indiennes avec le milieu naturel (notamment la préservation de la nature à travers une gestion des ressources qui tient en compte la régénération). Or ici le gouvernement canadien, à travers le Ministère Pêches et Océans, argue d’un souci environnemental et de préservation du poisson pour limiter la pêche au homard des Indiens. C’est particulièrement ironique puisque c’est bel et bien les régime économique et mode de vie occidentaux qui ont entamé une pulvérisation record des espèces animales et végétales, traduite par une baisse de poissons et la disparation d’espèces du côté de cette région du Nouveau Brunswick.  D’où un rapide historique déroulé dans le documentaire et quelques considérations de Mi’gmaq quant à la manière de pêcher, le mode de vie traditionnel ayant eu le souci de ne pas détruire la nature.

Image de La Couronne cherche-t-elle à nous faire la guerre ?

La violence du racisme institutionnel canadien apparaît au grand jour : un bateau de Pêches et Océans fonce sur des Mi’gmaq. Le meurtre est frôlé de près.

Une des forces de ce documentaire est de révéler le racisme colonial canadien. Il ne s’agit pas du racisme ordinaire de type inter-personnel mais du racisme institutionnalisant les inégalités entre Blancs et Autochtones, refusant l’autonomie des Indiens et légiférant un territoire qui appartient aux Indiens. Aussi la violence physique qui se déroule sur les eaux – telle « une bataille sur mer » dit une Indienne – s’inscrit dans la continuité de la violence institutionnelle qui nie le droit des Indiens à vivre. Il s’agit bel et bien de soumettre le colonisé et de l’écraser quand il se révolte. Cette éradication des autochtones est également abordée dans le documentaire La conquête de l’Amérique II d’Arthur Lamothe (relayé ICI sur le blog) où deux Indiens Innus ont été retrouvés morts dans un contexte similaire de résistance indigène face à la limitation de pêche et aux hostilités de Blancs. Le documentaire de Lamothe n’a pas d’images témoignant directement de la mort des deux Innus et l’enquête bâclée de la gendarmerie conclut alors à un « accident ». Par la suite le cinéaste réalisa une fiction exposant le point de vue amérindien, à savoir le meurtre. A cet égard le documentaire d’Alanis Obomsawin constitue donc un éclairage supplémentaire et témoigne d’une violence coloniale similaire qui engendre aussi l’annihilation de l’Autre.

Kanehsatake, 270 ans de résistance – Alanis Obomsawin (1993)

Alanis Obomsawin – Kanehsatake, 270 ans de résistance – 1993 – 120 mn – Canada

« Quelqu’un m’a demandé : jusqu’où es-tu prête à aller ? J’ai dit six pieds sous-terre, c’est ce qui va arriver. Vous allez voir un festin des morts, pas une revendication des terres. Ils l’ont prouvé, c’est ce qu’ils veulent, non ? Faire taire les Indiens, les garder opprimés comme ils l’ont fait pendant des années. Si je vais en prison, je franchirai les portes avec dignité. (…). Et quand je sortirai je montrerai à mes enfants et à mes petits enfants comment se battre. Finie la compassion, j’en ai assez. J’ai été élevée en pacifiste. Si tu ne veux pas être victime de préjugés raciaux, ne sois pas raciste. On en a beaucoup enduré mais ça, ça m’a transformée. Je n’ai jamais été violente, je n’ai jamais pensé à frapper ou à cogner, mais maintenant qu’on ne me regarde pas de travers. Je ne m’inclinerai pas devant eux,  parce qu’ils me marcheraient sur les mains. Si c’est ça être civilisé, j’aime mieux être de ce côté-ci de la barricade. »

Chicky, femme mohawk in Kanehsatake, 270 ans de résistance

Alanis Obomsawin est une cinéaste abénaquise ayant grandi dans la réserve indienne d’Odanak au Canada avant de suivre un parcours scolaire dans une ville québécoise puis de démarrer une carrière de chanteuse-compositrice à New-York. A partir de la fin des années 60, elle s’est lancée dans le cinéma documentaire au sein de l’ONF lorsqu’en 1967 elle fut sollicitée comme conseillère pour un film sur des Autochtones. Cette participation avait l’avantage de rompre avec la vision stéréotypée et coloniale d’un certain nombre de films ONF consacrés aux peuples indiens, jusqu’alors réalisés par des cinéastes non-Autochtones. C’est la période où l’ONF change donc quelque peu de politique en intégrant peu à peu des cinéastes issus des Premières Nations, Métis ou plus récemment Inuits. C’est ainsi qu’Obomswin contribua à d’autres films de l’ONF puis réalisa elle-même ses documentaires. Productrice, elle a aussi donné lieu à des créations hors ONF avec par exemple l’établissement de multimédias en coopération avec des nations indiennes. Toujours en activité, à ce jour elle a donné lieu à une oeuvre assez dense qui relève de dimensions culturelles, sociales (la pauvreté ou encore l’alcoolisme parmi les communautés) et plus politiques où elle témoigne avec une subjectivité indigène assumée des conflits engendrés par la spoliation ou le contrôle sur les territoires indiens, impliquant des conséquences néfastes sur les vies des Autochtones dans la continuité de la colonisation entamée au 16ème siècle. Parmi les aspects récurrents de ses films, il y a une visibilité importante des femmes indiennes dont la parole occupe souvent le premier plan. Alanis Obomsawin est la cinéaste indienne sans doute la plus connue du Canada mais il faut veiller à ne pas limiter l’expression cinématographique autochtone à cette seule cinéaste, tout en ne perdant pas de vue qu’il y a forcément une forme d’emprise de l’institution étatique de l’ONF avec laquelle d’ailleurs la documentariste aurait eu quelques accrochages.

« Pour commencer, il faut changer les lois, il faut laisser les indiens être maîtres d’eux-mêmes. On est fatigués du gouvernement qui décide tout pour nous. On est fatigués d’avoir les autres qui se trompent pour nous. (…) On veut garder nos terres (…). Le jour où les Indiens auront le droit de faire les choses chez eux et qu’on ne viendra pas les exploiter (…) il n’y aura plus de problèmes. Je déteste la charité. Moi, je crache sur ça. Ce n’est pas comme ça que nous aidons les Indiens. »

Alanis Obomsawin, interview radiophonique donnée en 1969

Découvrant à peine les documentaires d’Obomsawin j’ai été surpris d’y trouver une subjectivité bien affirmée qui emploie une narration proche des Autochtones avec l’émergence d’un « je » (souvent conteur) plutôt que de la troisième personne installant de la distance sur un sujet-objet observé (soit un procédé qui pourrait rappeler la démarche du documentariste argentin Jorge Preloran, présenté ICI sur le blog). On y sent une proximité de la cinéaste avec les personnes filmées, pas seulement dans l’approche socio-culturelle mais aussi dans l’aspect politique parfois militant (tel Kanehsatake, 270 ans de résistance). Bien qu’ayant quitté une réserve indienne dès l’âge de 9 ans la documentariste a vécu la discrimination et s’est toujours revendiquée de son identité indigène. C’est ainsi que sa filmographie œuvre notamment pour la préservation des cultures et la promotion des droits indiens, une influence de ses racines qui semble contaminer la forme-même de ses films avec une place de la parole plus importante que l’image. Car non seulement le conte et la transmission orale sont importants dans les cultures indiennes, mais en plus Obomsawin s’accrocha aux contes et chansons appris dans la réserve de sa jeunesse lors de son vécu difficile dans une ville québécoise où sa famille était la seule autochtone. Par ailleurs, avant d’être cinéaste Obomsawin fut conteuse. Cependant par certains aspects (une indienne vivant parmi les Blancs etc) la cinéaste a d’abord pu représenter un visage autochtone acceptable qui pouvait éventuellement être instrumentalisé afin qu’elle serve une intégration telle que voulue par l’Etat canadien, en donnant une place et une vision moins stéréotypée des cultures indiennes tout en reléguant l’identité autochtone à une sorte de folklore sans fond et mettant la résistance socio-politique sur le second plan, comme pour mieux faire disparaître l’entité indigène par le biais de la dissolution. Or dès 1964, lors d’une interview déroulée sur un plateau télé canadien à une période où sa carrière de chanteuse émergeait, Obomsawin témoigne avec force de son attachement à ses racines indiennes en évitant le piège de l’intégration-assimilation que lui tend le journaliste, refusant cette assignation à apparaître tel qu’on voudrait la récupérer. Voilà qui témoigne d’un état d’esprit et annonce son cinéma engagé en faveur des Premières Nations, bien que produit par une institution d’Etat.

Entrevue avec Alanis Obomsawin sur un plateau TV canadien (1964, 8 mn)

CLIQUER ICI pour voir la video

« Je pense qu’un jour je vais regarder dans le dictionnaire pour voir ce que ça veut dire pour de vrai. Vous autres vous parlez toujours de ça « intégrer », « émanciper » et tout mais vous allez demander à n’importe quel Indien il va toujours vous dire je suis indien ça finit là. Essayez pas de lui faire dire autre chose. Il est indien. Je sais que pour vous ça n’a aucun sens. (…) Il faut jamais dire aux Indiens on va vous enlever ces terres ou vous feriez mieux d’aller vivre avec les Blancs. C’est blasphémer. Les terres sont très importantes. (…) On a oublié ce que l’Indien, lui, a enseigné aux Blancs. C’est l’Indien qui l’a bel et bien sauvé de la mort quand les premiers Blancs sont venus ici. Et quand ils racontent que les Blancs sont allés découvrir les pays et qu’ils sont montés dans les Montagnes Rocheuses et qu’ils ont fait ci et ça, il y avait toujours un Indien devant qui lui montrait le chemin. Et on a oublié de mentionner ça. »

Alanis Obomsawin (ici nommée de son nom canadien Hélène Robert), 1964

L’engagement de la réalisatrice apparaît nettement dans les parti-pris du documentaire Kanehsatake, 270 ans de résistance, son film le plus connu et récompensé dans plusieurs festivals. Il a pour sujet « la crise d’Oka », partie d’un projet municipal québécois mêlant élargissement d’un terrain de golf et construction résidentielle sur des terres Mohawks (peuple amérindien composant une des six nations iroquoises). S’en ai suivi un mouvement d’occupation associant des Mohawks voisins (incluant des Mohawks Warriors armés) tandis qu’un blocage du pont de Mercier – passerelle entre la réserve Mohawk de Kahnawake et Montréal – fut entrepris en solidarité par les Mohawks de Kahnawake. Alors que l’Etat a fini par rompre les négociations face aux exigences indiennes, le mouvement de résistance – également soutenu d’un camp de la paix composé d’Indiens (du Mexique, des USA etc) – s’est étalé sur presque trois mois en étant confronté à la sûreté québécoise puis l’armée canadienne ainsi qu’à des émeutes racistes blanches. La cinéaste a accompagné la lutte avec un point de vue Mohawk largement assumé, témoignant notamment des motivations résistantes et de la répression avec un parti-pris qui en fait un film militant plutôt qu’une « neutralité » de type télévisuel, à la manière d’un Ken Loach en quelque sorte qui lors des grandes grèves de mineurs sous Thatcher avait également choisi et revendiqué un côté de la barricade. Plutôt que de réduire cette « crise » à un un conflit armé drainant au passage tout une criminalisation des indiens (je conseille la lecture de l’article ICI), la cinéaste relaie des problématiques de fond ayant trait au vol des territoires indiens, à l’autonomie autochtone, aux conditions socio-économiques inégalitaires et à la préservation des identités culturelles indiennes.

Kanehsatake, 270 ans de résistance – FILM INTÉGRAL (120 mn)

« On va peut être voir se multiplier les barrages routiers d’un bout à l’autre du Canada. Les gens sont écœurés. La seule chose que les gouvernements comprennent c’est ça [montrant un fusil]. Les poissons meurent, l’air est pollué, les plantes meurent, les animaux meurent, ça sera bientôt le tour de la Nation Mohawk. »

Un mohwak warrior in Kanehsatake, 270 ans de résistance

Que l’ONF ait produit un tel documentaire  – sorti trois ans après les événements – peut étonner. En fait peu après la crise d’Oka l’ONF créa le Studio 1 (devenu Aboriginal Filmmaking Program en 1996), voué à se consacrer uniquement au cinéma autochtone. Cela a contribué à un boom du cinéma entrepris par des Autochtones, avec l’émergence d’une nouvelle génération dans la foulée de précurseurs. Graydon McCrea, alors producteur exécutif à l’ONF, a en effet présenté cette nouvelle orientation comme attachée au regard autochtone dans sa propre représentation : « Depuis les premiers jours du cinéma, les non-Autochtones montrent ce qu’ils perçoivent comme le caractère énigmatique et romantique des peuples indiens, inuits et métis de l’Amérique du Nord. Les Autochtones trouvent désormais intolérable de se voir dépeints uniquement selon l’image que les autres ont d’eux ; ils souhaitent se dépeindre comme ils se voient eux-mêmes » (G. McCrea, cité dans The Aboriginal Voice: The National Film Board and Aboriginal Filmmaking Through the Years).

« Les Premières Nations entrent dans une ère d’autodétermination accrue, et l’un des aspects fondamentaux de l’autodétermination est d’interpréter nos propres réalités dans les médias. Nous devons prendre en main la production de nos images pour assumer notre place au rang des cultures distinctes du Canada. »

Carol Geddes, cinéaste Métis alors en charge du studio 1 (citée in K. L. Dowell, Sovereign Screens)

Voilà un contexte qui a donc pu favoriser un film comme Kanehsatake, 270 ans de résistance au sein d’une production ONF. Mais la cinéaste, bien avant ce documentaire de 1993, déroulait déjà une subjectivité autochtone parfois combinée à un parti-pris s’exprimant aussi politiquement. Les événements de Restigouche (1984) en est un fameux exemple, tant sur la forme que que le contenu qui se présente à bien des égards comme un précédant annonciateur de la Crise d’Oka (l’autonomie indienne heurtée au colonialisme québécois/canadien).

Kanehsatake, 270 ans de résistance conserve aussi une approche de « conteuse » de la cinéaste, où la parole des autochtones prend en souvent en charge les récits à la manière d’une histoire racontée. Dans une interview radiophonique portant sur ses débuts, la cinéaste a mentionné combien le conte et la culture orale ont une influence sur sa manière de faire du cinéma. Ses films se présentent comme des histoires racontées pour les générations futures. Kanehsatake, 270 ans de résistance s’inscrit pleinement dans cette démarche, ce film fait mémoire d’une résistance autochtone. La mention  « 270 ans » du titre renvoie à la rédaction écrite en 1720 de la constitution de la nation iroquoise (lois, codes juridiques) qui découlait elle-même d’une transmission orale remontant au 12ème siècle.

Dans la lignée de son approche narrative subjective, Obomsawin a consacré une petite suite à Kanehsatake, 270 ans de résistance en réalisant un petit documentaire qui se focalise sur une femme Mohawk ayant participé à la lutte. Elle y raconte le mouvement et la phase judiciaire qui s’en ai suivie, incluant un juge hostile à son nom mohawk et exigeant une identité canadienne. Il s’agit de Je m’appelle Kahentiiosta (1996), un titre qui revendique l’identité indienne. Comme un écho à Alanis Obomsawin dont l’identité canadienne fut « Hélène Robert ».

Je m’appelle Kahentiiosta (1996, 30 mn) est visible en intégralité en cliquant ICI

En 1997, une deuxième petite suite documentaire a été réalisée en se focalisant cette fois-ci sur un homme Mohawk ayant également participé à la lutte de 1990 et pas des moindres puisqu’il s’agit du warrior « Spudwrench ». Tabassé et sérieusement blessé par des militaires durant le siège des occupants recroquevillés sur le centre de désintoxication de Kanehsatake, Spudwrench est ici approché à la fois par son identité indienne et son activité sociale comme travailleur sur installations métalliques. Il n’est pas le seul à apparaître et le film donne à mesurer les nombreux Autochtones de la réserve, de père en fils, associés à ce travail difficile engendrant accidents et chutes mortelles (les nombreux morts occasionnés par la construction du Pont de Québec est par exemple bien souligné). C’est intéressant que le documentaire juxtapose la perte territoriale et identitaire à la prolétarisation sur les chantiers de construction des colonisateurs, telle une « intégration ». D’ailleurs la cinéaste évoque l’espoir de s’orienter vers d’autres métiers par le biais des études, pour que les enfants échappent à ce sort. Cette dimension sociale n’est pas sans rappeler l’approche de la cinéaste indigène mexicaine Yolanda Cruz dont l’oeuvre s’attache notamment à casser les stéréotypes qui non seulement figent les cultures indiennes mais en plus les situent en dehors du monde (voir la présentation ICI sur le blog). Ici Alanis Obomsawin traite de l’identité indienne (en particulier sa spiritualité) et de la résistance territoriale articulés à la société occidentale.

Spudwrench : l’homme de Kanahwake (1997, 57 mn) est visible en intégralité ICI

A noter que le site de l’ONF propose de nombreux films visibles en intégralité dans une très bonne qualité image. Outre plusieurs documentaires d’Alanis Obomsawim, il y a pleins de (re)découvertes à y faire avec d’autres cinéastes autochtones ou encore des films de Pierre Perrault, etc. Très bonne initiative à saisir, elle permet notamment de découvrir un cinéma Autochtone relativement méconnu.