Harmon Foundation – A study of Negro artists (1935)

A study of Negro artists – 1935 – USA – Muet

« Where there are opportunities for jobs, study and cultural contacts, we find the Negro Artist »

Ouverture de A study of Negro artists

Dans l’article de présentation de la Colored Players Film Corporation (ICI sur le blog) il fut question du mouvement Harlem Renaissance, un mouvement d’effervescence culturelle, intellectuelle et politique noir centré sur Harlem. A cet égard je relaie de nouveau ce documentaire muet qui présente en situation de travail des artistes du Harlem Renaissance et quelques lieux d’exposition. Réalisé par Evelyn Brown et Jules Bucher sous forme de quatre bobines au tournage situé en 1935-1936, A study of Negro artists fut alors projeté à la bibliothèque publique de New York (également lieu d’exposition d’art africain américain tel que cela apparaît dans le film) afin de recueillir des fonds pour sauver l’atelier d’art de Harlem.

Ce film a été produit par la Harmon Foundation, structure créée à New-York en 1922 par William E. Harmon. Promoteur immobilier, ce dernier voulait promouvoir les réalisations africaines américaines dans divers secteurs tels que l’agriculture, l’éducation, la littérature, la religion, la musique ou encore les beaux-arts. Présidée par Mary Brady, en 1926 la fondation créa le Harmon Award (un prix récompensant « les Réalisations Distinguées ») qui a eu un impact sur l’art noir en contribuant à sa reconnaissance par la dotation privée et le réseau social généré. Soutien socio-économique au Harlem Renaissance (une forme de dépendance qui a été parfois reprochée à ce mouvement), la fondation a également initié plusieurs expositions en faveur de la tolérance, par exemple en 1944 avec « Portraits d’Américains Exceptionnels d’Origine Noire » qui fut l’objet d’une longue tournée dans le pays. Active jusque 1967, ses films ont été sauvegardés et sont consultables sur internet, notamment par le biais du site Internet Archive.

Le documentaire est diffusé de manière confuse sur internet, avec séparation des bobines et manque de précision sur les parties. Néanmoins je suis parvenu ci-dessous à proposer dans l’ordre les liens videos des trois bobines en circulation (sur les quatre initiales, la troisième semblant perdue). C’est suivi d’une présentation d’un numéro de l’émission audiovisuelle « Hors série » qui se présente comme un très bon apport contextuel aux beaux-arts africains américains.

BOBINE 1 (15′)

Artistes :  Richmond Barthé (sculpteur), James Latimer Allen (photographe qui a beaucoup témoigné du Harlem Renaissance), Aaron Douglas (peintre majeur du Harlem Renaissance), Palmer Hayden (peintre), Augusta Savage (une grande sculptrice également enseignante artistique et engagée dans les droits civiques)

 

BOBINE 2 (17′)

(autre lien de visionnage en cliquant ICI)

Artistes : Benjamin Spurgeon Kitchin (peintre), Malvin Gray Johnson (peintre), Georgette Seabrooke (peintre) William Ellisworth Artis (sculpteur), Exposition africaine américaine à la Bibliothèque Publique de New York

 

BOBINE 4 (11′)

Pas de lien You Tube, cliquer ICI pour visionner cette quatrième partie sur Internet Archive

Aperçus d’expositions : la peintre Suzanna Ocunjami au Delphic Studios de New York (une galerie d’art créée par Alma Reed et principalement consacrée à des artiste mexicains), réception d’ouverture d’une exposition de la Fondation Harmon consacrée au peintre noir cubain Pastor Argudin y Pedro, présentation d’une peinture de Henry O Tanner (peintre), d’une céramique du peintre-céramiste-sculpteur-graveur Sargent Johnson. Le film se termine au Whitney Museum of American Art en indiquant que des œuvres Noires sont intégrées à des expositions permanentes d’un art américain représentatif.

Globalement, à l’image de l’entame du film où un artiste noir peignant sur chevalement est mis en parallèle avec des travailleurs noirs, le parti pris du documentaire n’est pas de s’attarder sur les œuvres elles-même mais plutôt sur le déroulement de l’activité créatrice (le corps de l’artiste en travail comme celui des employés filmés plus tôt). L’autre aspect prédominant est l’embryon de diffusion et de reconnaissance dans l’espace public via les lieux d’expositions.

Le joueur de banjo de Henry Tanner (1893) 

Le film montre brièvement une autre oeuvre de ce premier peintre noir américain reconnu. Né d’une mère qui avait fui l’esclavage en prenant clandestinement le train pour le nord, ce peintre a notamment repris des sujets traditionnellement stéréotypés par les blancs en peignant des personnages noirs avec une humanité absente des clichés racistes.  Ainsi par exemple le joueur de banjo très fréquent dans l’art américain du 19ème siècle, figé dans une typologie raciste et avec laquelle le peintre rompt ici. Plus généralement ses personnages noirs tranchent avec les stéréotypes issus du spectacle ménestrel. Tanner a surtout vécu en France tout en effectuant des visites aux USA.

THE COLOR LINE, émission de HORS SÉRIE

Emission présentée et visible en cliquant ICI

(s’abonner au site pour un accès à l’intégralité du contenu)

En parallèle à A Study of a Negro artists, je propose de visionner cette émission qui revient notamment sur le Harlem Renaissance. Elle tourne autour de l’exposition « The Color Line : les artistes africains-américains et la ségrégation » qui eut lien en France en 2016 et dont le parti-pris était d’exposer 150 ans de l’art africain-américain (artistes noirs américains) en dialogue avec la Color Line, référence directe à une formule de l’intellectuel noir Du Bois (« Le problème du XXe siècle est le problème de la ligne de partage des couleurs« ). L’invitée de l’émission Diane Turquety rappelle que si en France il y a pu avoir un écho important de la littérature et musique noires en partie liées au Harlem Renaissance, voire aussi de quelques « race movies », en revanche les arts plastiques noirs sont très méconnus et absents de l’histoire de l’art.

Henry O. Tanner, The Thankful poor, 1894

« On ne mesure peut-être pas à notre échelle qu’est-ce que ça engage, mais le fait de représenter des noirs américains de la façon la plus humaine et digne qui soit, c’est en un sens un acte politique. »

Diane Turquety à propos de The Thankful poor.

Cette citation peut refléter une partie des race movies réalisés aux USA (films à casting noir) qui sans pour autant aborder de front le racisme représentent les noirs de façon « humaine et digne » en rupture avec les stéréotypes racistes du cinéma mainstream et hollywoodien. Ce numéro de Hors série constitue un très bon apport à la tentative du blog de présenter et relayer une partie de ce corpus cinématographique méconnu, peu sauvegardé et restauré. C’est surtout la contextualisation de l’image dans l’art africain-américain qui m’a intéressé dans cette émission, ce fait de « reprendre possession de l’image de soi-même« . Il y a par exemple tout un passage sur le ménestrel si fréquemment cité dans les articles du blog, occasionnant un retour sur Bert Williams qui faisait partie des acteurs noirs à se grimer dans la tradition du ménestrel. Mais ici il est question de la caricature de la caricature faite par les blancs, soit une relecture nuancée des reproductions des stéréotypes de la vision suprématiste blanche en s’attardant sur cet acteur noir très célèbre du début du 20ème siècle. Bert Williams a d’ailleurs été évoqué ICI dans l’article consacré à Ebony Film Corporation, toujours au sujet de cette ambivalence entre instrumentalisation et critique du racisme.

Extrait de l’émission

Une réflexion sur “Harmon Foundation – A study of Negro artists (1935)

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