Les Hors la loi – Tewfik Farès (1968)

EN ENTIER – VOSTF – 98 mn – Avec Agoumi, Nourredine Cheik, Mohamed Chouikh, Jacques Monod, Janne Augier… Premier film couleur réalisé en Algérie. Le Film a été restauré et ressort en France en 2010.

En prison dans l’Algérie coloniale, peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, trois compagnons de cellule indigènes se font la belle. Une fois libres, ils s’en prennent à l’autorité représentée par la triade du caïd, du gendarme et de l’administrateur. « Vivre la condition coloniale, confiait Tewfik Farès, c’est quelque chose ! Ce n’est pas disserter sociologiquement ou historiquement. C’est la vivre. Et je pense que tout est là-dedans. […] Pendant cent trente ans, on attend. On retient. On refoule. On espère. En même temps, à différentes occasions, il y a des escarmouches, des troubles. »

« Hors-la-loi, ça veut dire hors de la loi coloniale. Mon intention profonde, précisera Tewfik Farès,était de montrer, en quelque sorte, des hommes qui avaient, à un degré ou à un autre, une conscience nationale… […] En résumé, j’ai vu et je vois dans ces personnages des précurseurs avec cet aspect un petit peu légendaire ».

Tewfik Farès a notamment été scénariste de Chroniques des années de braise et Le vent des Aurès de Mohammed Lakhdar-Hamina. Réalisateur largement influencé par le cinéma américain à grand spectacle, a ici puisé son inspiration de l’autre côté de l’Atlantique et signe un film proche des westerns hollywoodiens.

Chronique de Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France) – sources Africine :

La sortie française des Hors-la-loi de Tewfik Farès, est une occasion de réévaluer la singularité de ce film algérien qui est aussi la première production nationale en couleur.
Réalisé en 1968, en plein essor de la Révolution socialiste, engagée après l’indépendance, le film est une tentative unique d’évoquer la résistance à la colonisation sur le mode du western. « Je pense que c’est un des plus grands genres cinématographiques si ce n’est le plus grand, peut-être le plus spécifiquement cinématographique dans sa forme« , confie Tewfik Farès.

Cet auteur, né à Bordj-Bou-Arréridj, s’est affirmé comme l’un des pionniers des Actualités Algériennes. Il participe à la réalisation des tous premiers courts-métrages, engagés par de fameux cinéastes comme Mohamed Bouamari et Mohamed Lakhdar-Hamina. Pour ce dernier, Tewfik Farès écrit le scénario de deux films réputés, Le vent des Aurès, 1966, et Chronique des années de braise, 1975, lauréat de la Palme d’Or au Festival de Cannes. En tournant lui-même Les Hors-la-loi d’après son scénario, Farès fait une incursion fulgurante dans la fiction avant de s’orienter vers la télévision notamment en France où il s’est fixé.

Les Hors-la-loi raconte l’union de trois Algériens, détenus en prison pendant la colonisation. Slimane a déserté pour enterrer son père, Ali est injustement compromis par la femme d’un colon, Moh vole plutôt les fermiers aisés. Révoltés par un système qui les avilit, ils s’évadent puis gagnent le maquis.
L’action est située dans les Aurès, haut lieu des combats de la Guerre de libération algérienne. « J’avais envie de faire un film qui me permette ces grandes actions, cette espèce d’évasion dans un décor, dans un paysage, dans cette sorte d’appel de l’aventure, et je voyais ça, techniquement comme un challenge« , se souvient Farès.
Le défi est relevé avec le concours de comédiens qui sont des références du cinéma algérien. Sid Ahmed Agoumi campe un déserteur justicier qui préfigure sa carrière prolifique notamment au théâtre. Mohamed Chouikh joue le révolté avant de s’illustrer dans les coproductions françaises puis de devenir un réalisateur marquant de l’Algérie. À leurs cotés, on remarque Cheikh Nourredine et en face, des acteurs français connus tels Jaques Monod, l’administrateur, et Jean Bouise, confirmé plus tard chez Luc Besson. La musique vive et délicate, est composée par un musicien nomade, en vogue, Georges Moustaki.

Le spectacle recherché repose sur le désir de rappeler l’oppression du système colonial. « En faisant Les Hors-la-loi, mon but n’est pas seulement de divertir le spectateur. C’est aussi traiter d’une partie d’une époque qui touche à notre Histoire« , précise Farès. « Les personnages sont pris dans l’époque coloniale. Ils sont pris en tant que refusant de subir la loi coloniale. » Cette résistance, soulignée par le titre, s’inscrit aussi dans l’exaltation des héros positifs, véhiculée par le régime. « Mon intention profonde était de montrer, en quelque sorte, des hommes qui avaient, à un degré ou à un autre, une conscience nationale« , reconnaît Farès. « J’ai vu et je vois dans ces personnages des précurseurs avec cet aspect un petit peu légendaire. »

Le film se révèle alors comme une contribution astucieuse à l’essor du nouvel État algérien. « Je pense que c’était plus important de réapprendre cette histoire populaire au public algérien et français, plutôt que de faire simplement le panégyrique, forcement faux, de la Révolution », estime le cinéaste.
Les chevauchées, les duels à coups de fusils, les évasions épiques inscrivent durablement le film dans la production étatique de l’époque. Les élans intrépides des Hors-la-loi semblent des lueurs prometteuses pour aviver l’éclat du cinéma algérien en 1968. Un éclat que le soutien de l’État permet alors de faire briller pour le grand plaisir du public populaire.