Entr’acte – René Clair (1924) (musique d’Erik Satie)

EN ENTIER – 20 mn – Avec Jean Börlin (Le chasseur au chapeau tyrolien / Le prestidigitateur), Inge Frïss (La ballerine), Francis Picabia, Erik Satie (Les hommes qui chargent le canon), Marcel Duchamp et Man Ray (les joueur d’échecs), Darius Milhaud, Marcel Achard, Georges Auric, Georges Charensol, Roger Le Bon (les hommes qui suivent le corbillard).

Extrait d’un texte publié sur Le cinéphile déviant :

« Entr’acte, tourné au tout début de sa carrière, pourrait servir de définition même au cinéma expérimental. Sorti en 1924, donc 5 ans avant un Chien Andalou, il servait d’entracte au spectacle Relâche, un ballet dadaïste de Jean Börlin et Francis Picabia.

Premier film tourné pour s’intégrer dans un spectacle de danse,Entr’acte est muet mais repose sur la musique composé par Erik Satie, précurseur du minimalisme (John Cage assume sa filiation avec lui). Dans l’édition Criterion (la seule que je connaisse à ce film), on trouve un interprétation de la même partition, mais enregistrée en 1967. Il faut souligner au passage la merveilleuse synchronisation qui existe entre la musique et les images.

Vous verrez en vrac des cannons danser, un bateau en papier naviguer sur les toits de Paris (décors qui constitue une obsession dans l’œuvre de René Clair), des ballerines barbues, et un cortège funèbre poursuivre un cercueil en vadrouille.

Surréaliste, incompréhensible et d’une profonde beauté poétique,Entr’acte se paye même le luxe de faire apparaitre Man Ray et Marcel Duchamp dans de discrets caméos. Les amateurs de cinéma expérimental apprécieront. En revanche, s’il vous faut une histoire, tournez-vous vers le reste de l’œuvre de René Clair. Vous en sortirez heureux et émerveillé. »

 

René Clair dans « Picabia, Satie et la première d’Entr’acte », L’Avant-Scène, n°86, nov. 1968, cité par Anne Rey, raconte sa collaboration avec le compositeur: « Satie, le vieux maître de la jeune musique, […] minutait chaque séquence avec un soin méticuleux et préparait ainsi la première composition musicale écrite pour le cinéma « image par image » en un temps où le film était encore muet. Consciencieux à l’extrême, il craignait de ne pas achever son travail à la date fixée. […] Dès l’apparition des premières images, une rumeur formée de petits rires et de grondements confus s’exhala de la foule des spectateurs dont un léger frémissement parcourut les rangs. Picabia qui avait souhaité entendre crier le public eut tout lieu d’être satisfait. Clameurs et sifflets se mêlaient aux mélodieuses bouffoneries de Satie qui, sans doute, appréciait en connaisseur le renfort sonore que les protestataires apportaient à sa musique. La danseuse à barbe et le chameau funéraire furent accueillis comme il convenait et quand toute la salle se sentit emportée par le scenic-railway de Luna-Park, des hurlements mirent à leur comble le désordre et notre plaisir.[…] Imperturbable, Roger Desormières, la mèche en bataille et le masque sévère, semblait en même temps conduire l’orchestre et déchaîner de sa baguette impérieuse un ouragan burlesque. Ainsi naquit, dans le son et la fureur, ce petit film dont la fin attira autant d’applaudissements que de huées et de sifflets. » 

 

A noter que parmi les premiers Charlots de Chaplin, au temps où il travaillait pour la Keystone, Those Love Pangs (Charlot rival d’amour – 1914montre un Charlot jeté dans l’écran blanc d’une salle de cinéma en toute fin du court métrage… Sans chercher à savoir s’il s’agit là d’une allusion voulue dans Entr’acte, nous constaterons juste le bond en arrière en 1924, pour un film hors normes, notant un « changement » :