Esthétique et politique – Festival Résistances 2018

A la suite des quatre autres parties publiées sur le blog, en guise de conclusion du suivi du festival Résistances 2018 voici une ultime video qui se déroule comme un « pot pourri » de réflexions exprimées d’une part sur l’articulation esthétique et politique, d’autre part sur des parti-pris formels tranchant par exemple avec l’approche journalistique dans le cadre du documentaire.

Au niveau du documentaire, s’il est généralement présenté comme une approche plus approfondie et réflexive que la démarche journalistique plus proche de la communication, il n’échappe pas non plus à un certain formatage, parfois au détriment du fond socio-politique. A cet égard les propos de Françoise Davisse sur le formatage documentaire appliqué à Arte, présents dans la video ci-dessus, sont très symptomatiques : l’histoire individuelle du sempiternel « personnage » prendrait le pas sur l’histoire collective.A titre d’autre témoignage sur un certain formatage documentaire, je renvoie au texte « La mode du documentaire de création » qui fut relayé et traduit ICI sur le blog. Ecrit par le cinéaste argentin Ernesto Ardito, ce texte pertinent pointe aussi du doigt combien l’argument esthétique peut à la fois snober l’expression d’un cinéma plus engagé (parfois enfermé dans l’étiquette « cinéma militant ») et servir d’alibi à une confrontation au réel. Sous prétexte d’art, le documentaire ne se construirait plus par rapport au réel et tomberait dans la forme pour la forme en quelque sorte (tout en gagnant la « noblesse » de l’étiquette « artistique »). C’est pourquou je relaie donc ci-dessous un terrible court-métrage réalisé par René Vautier (en fait, un segment de La folle de Toujane). Je trouve que c’est un des films les plus puissants sur la lâcheté d’un certain cinéma qui se cache derrière la forme et les intentions, derrière la position « artiste » et l’Art. Alors que le scénario a précédé de quelques années le crime d’Etat d’octobre 1961 (!), le court métrage est un tableau particulièrement acide du postulat artistique qui prend le pas sur l’engagement du cinéma et de l’artiste vis à vis du réel.  Il est vrai que par rapport au contexte de la révolution algérienne, le cinéma en France et notamment la Nouvelle Vague ont été assez silencieux (il y avait certes de la censure mais aussi de l’autocensure) et établissaient au mieux (ou presque) quelques allusions et le plus souvent à travers la figure de l’appelé tel dans Adieu Philippines de Jacques Rozier ou Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda . Il y tout de même quelques exceptions qui ont abordé de front la guerre d’Algérie et/ou le colonialisme : la filmographie de René Vautier, Les statues meurent aussi d’Alain Resnais et Chris Marker, J’ai huit ans de Yann Le Masson ou encore l’incontournable Octobre à Paris de Jacques Panijel. Au-delà du contexte de sa conception, Le remords demeure un témoignage pertinent de ce qu’implique un cinéma engagé qui ne se réfugie pas lâchement dans le postulat de la forme pour mieux fuir le réel.

René Vautier – Le remords (1974)

« Le RemordS de René VAUTIER.Ce film fait partie intégrante d’un autre film « La folle de Toujane », sauf que René VAUTIER en avait écrit le scénario dès 1956. Miroir de l’attitude de nombreux cinéastes français qui s’autocensurent dans les années 60 et 70, Le RemordS montre comment un réalisateur justifie le choix de se taire sur les problèmes des immigrés algériens. René VAUTIER joue lui-même le rôle ingrat du réalisateur parce qu’il ne trouve pas d’acteur qui accepte de le jouer » (Synopsis You Tube)

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