Sniper (« L’homme à l’affût ») – Edward Dmytryk (1952)

USA – EXTRAITS

Étonnant film noir qui passe sur la chaîne câblée « Cineclassic » ces temps ci (j’y ai un accès momentané quelques jours), dont je n’avais jamais entendu parlé : Sniper (« L’homme à l’affut ») de Dmytryk.

Des scènes urbaines surtout très bien filmées, lors des meurtres, mais aussi la fuite finale que je trouve excellente, avec cet enchaînement de plans pris dans la foulée de la course du héros qui va sortir du cadre – rendant sinueux et labyrinthique le parcours. Et c’est… à San Francisco,  là où Hitchcock tournera le chef d’oeuvre Vertigo en 1958 ! Le propos est loin d’être tendre avec la société américaine même s’il demeure réformiste et discutable : prévenir par la psychiatrie et enfermer les malades, comme bonne réponse, plutôt que la prison et la peine capitale quand il est trop tard.  Il y a aussi du Freud en force (traumatisme de la castration maternelle sans doute et tout le tralala etc). Le film est un plaidoyer quelque part anti répression policière qui ne résout aucunement les problèmes à la source, mais ça reste assez insupportable les « solutions » proposées et surtout le profil psychologique. Il y a cependant une scène marquante où les flics prennent leur pied à connaître les « exploits » de criminels sexuels, où pointe donc une nuance importante vis à vis de la norme,  perverse elle aussi. Quant au flic principal il est agaçant et il s’appelle Kafka, quelle ironie,  tout comme le sergent qui lui est associé, derrière son côté plus « progressiste ».

La mise en scène est donc ce qui a de plus réussi,  en particulier le traitement de l’urbain, et aussi pour ce qui relève de la fascination du personnage envers les femmes, au-delà du profil psychologique figé et freudien; elle nous rend palpable un malaise certain. 

Bref, la trame policière n’est pas ce qu’il y a de mieux, malgré une intention de scénario moins répressive, anti-rejet total. A signaler que plusieurs critiques font un rapprochement entre la biographie de Dmytryk et l’aspect anti rejet du film (une certaine compassion pour le personnage principal). Le cinéaste fut en effet le seul des dix d’Hollywood de la fameuse « liste noire » qui se rétracta après sa condamnation (prison et amende). Il finit donc par balancer des gens (26 noms donnés !) lors des pressions de la commission sur les activités anti-américaines, en plein Maccarthysme. Il s’en retrouva isolé et décrié, lui qui avait des opinions nettement communistes. Il put re-tourner avec Stanley Kramer.

La ville et son anonymat, sa jungle sociale, sa solitude, l’individualisme, la fascination/obsession du héros sont les points forts du film. Les cheminements/rencontres filmés dans la ville sont très intéressants, j’insiste. D’autres films noirs sont également excellents quant à l’urbain, je pense notamment à Double indemnity de Wilder, mais aussi des films de Samuel Fuller, Jules Dassin, Robert Aldrich etc. 

Ci-dessous, une scène originale, retouchée ensuite dans un montage sonore joignant la musique de Vertigo aux images. Parallèle très intéressant !!

J’en profite pour signaler qu’un chef d’oeuvre passe aussi actuellement sur Cinéclassics : Asphalt jungle (« Quand la ville dort ») de John Huston, réalisé en 1950, où là aussi l’urbain y est traité en partie (d’où aussi un titre emblématique). Le final m’a encore bien remué lorsque je revis ce film pas plus tard qu’hier.