Etrangers des deux rives – Djamel Sellani et Hamid Arab (2011)

France –

J’eus la bonne surprise en mai 2012 de découvrir ce très beau documentaire de Sellani et Arab au Festival de l’Acharnière à Lille (dans une salle remplie). En voici le synospsis publié dans le catalogue du festival :

« Après toute une vie de travail, Hamid, Mohamed et Bachir se retrouvent aujourd’hui, au soir de leur vie, dans des Foyers pour Migrants, dans presque les mêmes conditions qui les ont vu arriver, solitaires et loin de leur pays. Ils ont mis au placard des chimères le mythe du retour qui les a bercés durant toute leur immigration. Ces oubliés de l' »intégration » cultivent en leur for intérieur un sentiment de rejet par les deux sociétés, de part et d’autre de la Méditerranée. Isolés et oubliés ici, incompris là-bas, ils continuent à vivre entre eux, avec leurs espaces et leurs repères. Ils refont le parcours d’une vie de labeur bien remplie. »

Ce film est on ne peut plus actuel, à l’heure où ces exilés se font en effet doublement roulés par la France : à la fois exploités toute une vie, comme l’ensemble des salariés, mais aussi avec un supplément de difficultés liées à leur origine « étrangère » et qui ne leur donnent pas les mêmes droits que les français. Le film est très beau car il nous donne à sentir l’entre deux de ces hommes venus travailler en France – « étrangers » à la France, tout en étant coupés et finalement éloignés du pays originaire malgré quelques retours ponctuels. C’est bel et bien cet entre deux qui est douloureux, très à part, d’une génération d’hommes qui s’éteint peu à peu, dans des conditions absolument ignobles de la part de la France… et aussi de l’Algérie, par exemple. Nul pays n’assume l’existence de ces hommes, ayant travaillé dans l’un, et ramené des sous à la famille dans l’autre. Un film pour tout dire très urgent, car ces hommes sont encore là, à vivre dans des foyers, dans des conditions assez hallucinantes parfois, tandis que les administrations françaises les pillent tranquillement, en bénéficiant souvent de leur analphabétisme. Le documentaire rend également compte de personnes assez irrésistibles par moment, tel un algérien très âgé qui ne manque vraiment pas d’humour, malgré une vie… entre deux rives. 

ICI un lien musical du film, sur dailymotion.

ICI un débat de 30 mn autour du film, en présence de Sellani. A défaut de voir le film sur la toile, ce débat permet d’en avoir une idée. C’est sur Weo TV, coproducteur. Produit également par France Télévisions, le film y a été diffusé une fois, à une heure très tardive… très symptomatique de la considération portée à ces travailleurs « pas très français » dont a bien utilisé l’apport sans jamais au final leur donner des droits concilibales à leur statut d’exilés. Et oui, maintenant on leur propose de réaliser leur rêve de retour qui a guetté toute une vie, mais tout en leur enlevant leurs (maigres) droits sociaux de retraité…  Le documentaire peut être commandé à cette adresse mail : contact – at – lesfilmsducyclope.com  

L’urgence aujourd’hui des « chibanis » s’atteste dans de nombreux films réalisés depuis quelques temps, y compris dans le nord de la France, particulièrement concernée par cette main d’oeuvre étrangère immigrée dans les années de reconstruction (charbon, bâtiment…)- L’Acharnière diffusa aussi, par exemple,  le très bon Etranger (2012) de l’Atelier de réalisation du foyer Areli de Tourcoing. Alors que les prétentions sociales des ouvriers n’ont pas perdu de leur actualité, il est ici encore plus flagrant à quel point la situation des travailleurs « étrangers » est doublement conflictuel, dans une France particulièrement sordide à leur égard, après une vie très compliquée passée entre deux pays, marquée de solitude au final, où français et algériens (ou marocains etc) leur sont, finalement, étrangers. Un entre deux qui explique quelque part leur entre soi, tant la dimension mentale leur semble commune et particulière. 

Parce que ces gens méritent non seulement grand respect, mais aussi parce que l’injustice qui leur est imposée par la France est inadmissible, je renvoie à ce reportage de Med’in Marseille,  lors d’une manifestation du 29 juin devant la Préfecture de Perpignan, en soutien au collectif SOS Chibanis. PRÉSENTATION ET REPORTAGE ICI