« Jorge logró una simbiosis entre el hombre que hace cine y el indígena. En su caso, no solamente entiende lo que pasa con los indígenas, los comprende y los quiere, sino que además interpreta el movimiento que tiene el indígena frente a sus propias raíces y frente a la población blanca y mestiza que trata de ser superior tanto en nivel económico, como racial e intelectual. (…) Creo que Jorge fue el mejor intérprete de la raigambre boliviana que yo haya podido conocer. Junto con Oscar Soria, con quien formaron un dúo muy importante, su deseo ferviente de la existencia de un cine contestatario boliviano fue muy fuerte y marcó mucho la época de Bolivia y el movimiento de Ukamau. Lo que fracturó luego esa unión entre los cineastas de Ukamau fue la mirada con la que se pensaba hacer el cine. Antonio Eguino postulaba un cine de actores, casi digamos a un nivel de la representación que tenía que ver con un cine occidental. En cambio, Jorge pretendía poner en pantalla la raigambre, el sentimiento, el olor y el color del indígena boliviano. De ahí que en muchas de sus películas haya secuencias que tienen que ver con lo tribal, es decir con los hechos que producen la magia, o que producen porvenir, o caminos abiertos en la percepción del indígena. Y Jorge cree en todo eso fervientemente. Cuando hablás con él y te cuenta de esas formulaciones casi mágicas es porque él cree profundamente en eso, no es que tenga una postura intelectual. Hay una simbiosis profunda entre lo que Jorge piensa, lo que Jorge dice, lo que Jorge hace, y lo que es el mundo indígena. »
Humberto Rios, interview
La citation qui précède est d’un cinéaste argentin qui a été non seulement collaborateur de Sanjines mais aussi de Raymundo Gleyzer, Solanas, Preloran, Santiago Alvarez… Des propos que je met volontairement en exergue d’écrits de Jorge Sanjines, soit l’extraits ci-dessous de Théorie et pratique d’un cinéma auprès du peuple publié en 1979. Une manière de précéder le texte par un point de vue portant sur la période « mature » du processus cinématographique. Texte qui se clôt sur l’annonce de films post Sang du condor, qui ont intégré des dynamiques de rapprochement cinématographique supposé concret avec le peuple, dépassant le seul contenu du film, contaminant la forme et le tournage eux-mêmes, en plus de la prise en compte du caractère nécessairement actif du spectateur dans un cadre cinématographique révolutionnaire. Ces expériences nouvelles seront éventuellement abordées sur le blog à travers quelques films de Sanjines … que je n’ai pas encore découverts (et faut dire que l’accès est difficile, mis à part le récent Insurgentes où figure un certain Evo Morales).
Sanjines, réalisateur de Ukamau (1966) et Le sang du condor (1969) – relayés sur le présent blog -, est alors en 1979 de retour en Bolivie après un exil de quelques années. Il revient dans le livre publié la même année sur des aspects du cinéma du Groupe Ukamau et les réflexions théoriques qui s’en dégagent (langage cinématographique par exemple). Il y est notamment question des rapports de ce cinéma au peuple (et vice versa); soit une « obsession » si on peut dire dans des cinémas d’Amérique latine d’alors où le peuple et sa libération sont un fond permanent. Dans ce contexte, qu’est-ce qu’un cinéma populaire, nullement coupé des bases, dans des perspectives révolutionnaires, notamment sociales et indigènes ?
L’extrait – sans doute pas le plus percutant mais exposant bien un moment du cheminement – est traduit par mes soins. La version originale du texte (en espagnol) est accessible ICI sur le site du duo cinéaste argentin Molina et Ardito. Pour les hispanophones, cela sera plus compréhensible que la version française basique et les quelques lourdeurs de ma traduction. J’ai également aéré par des paragraphes qui ne correspondent pas à l’apparence du texte original (du moins celui publié sur le site des cinéastes).
Je me suis tout de même aidé d’une traduction française de quelques passages de Thierry Deronne etque j’ai trouvé via Zintv, télé alternative belge pour qui la notion populaire des films et écrits de Sanjines semble constituer une des sources d’inspiration. C’est ainsi que la traduction intégrale des 120 pages du livre de Sanjines figure parmi ses projets… Interview intéressante ICI d’un des membres de Zin TV
Affiche d’une rétrospective Jorge Sanjines organisée en Bolivie, en partenariat avec l’ANH (Agence Nationale des Hydrocarbures).
Théorie et pratique d’un cinéma auprès du peuple
EXTRAIT
Le cinéma bolivien naît et se développe en suivant deux chemins différents et opposés : l’un auprès du peuple et l’autre contre le peuple. Ces deux chemins qui peuvent spécifier toute l’histoire politique de la Bolivie, dans laquelle la lutte des intérêts nationaux et antinationaux définit et détermine en permanence son destin, sont aussi les passages ouverts et éligibles pour ceux qui s’orientent vers les courants artistiques de ce pays. En 1929 est tourné en Bolivie le premier long métrage muet. Il s’appelait Wara Wara, et traitait d’une légende des Incas. Lui succèdent quelques autres tentatives de cinéma narratif et beaucoup de documentaires muets qui procédaient de cette manière.
Quand le son arrive et s’incorpore au cinéma, l’activité disparaît, puisque la technique se complique et que les équipes et les moyens requis sont très coûteux. Pratiquement vingt ans de silence passent dans le cinéma bolivien, et c’est seulement en 1950 qu’un petit groupe de pionniers dirigé par Jorge Ruiz réalise le premier film sonore bolivien à caractère documentaire. Ce sont eux qui travaillent, pendant de nombreuses années, au milieu de grandes difficultés, en réalisant des documentaires précieux non dépourvus de beauté et de qualité technique. L’un d’eux est particulièrement extraordinaire et obtient le premier prix dans le festival de cinéma organisé par le Sodre [Servicio Oficial de Difusión, Radiotelevisión y Espectáculos] de l’Uruguay en 1956. Il s’intitule Vuelve Sebastiana; il est filmé en couleurs et porte sur la vie et les vicissitudes d’une ancienne tribu indigène du Haut plateau : les indiens Chipayas. Plus tard, ils filment ce qui pourrait être considérer comme le premier long métrage sonore bolivien La vertiente. Il est tourné en 35 mm, en son direct, et ceux qui ont travaillé dessus sont tous les cinéastes boliviens. C’était en 1958. Le film avait beaucoup de qualité, particulièrement les parties qui avaient un caractère documentaire, confirmant ainsi les dons remarquables de documentariste de Ruiz. L’interprétation et la structure interne échouaient. Mais c’était une réussite importante, bien qu’il n’ait pas été suffisamment reconnu. Actuellement le groupe de Ruiz continue de produire des documentaires et il a réalisé un autre long métrage à caractéristiques commerciales.
Jorge Ruiz (au Machu Picchu)
De la séparation d’avec Oscar Soria naît une nouvelle équipe de cinéastes, le Groupe Ukamau, qui alors ne portait pas encore ce nom, puisqu’il l’a adopté plus tard du titre de son premier long métrage.
Il faut faire remarquer qu’en 1961 le cinéma révolutionnaire n’existe pas en Amérique latine; que la Bolivie vit un isolement culturel très grand et que c’est seulement de l’impact de la terrible injustice sociale environnante qu’a pu décoller une attitude de solidarité pour les problèmes des majorités par ce nouveau groupe de cinéastes qui provenait de la bourgeoisie nationale. Il est difficile d’établir à quel moment les hommes se décident pour la révolution. C’est un processus. Cependant en Bolivie la mort et la misère frappent les yeux et les oreilles à chaque instant, et les hommes préoccupés qui soulèvent la question reçoivent la réponse comme un cri. Peu à peu se structure l’idée du rôle que devrait jouer un cinéma national dans un pays pauvre. Les buts n’ont pas été si précis comme ils le sont aujourd’hui, et ont été réduits à l’expérience propre en rapport à la réalité objective; ils étaient nécessairement liés à l’intérêt des majorités dépossédées et se sont établis comme les objectifs de ce qui a été compris comme la responsabilité de l’artiste, de l’intellectuel, qui devait, en grande partie, sa propre condition de privilégié à l’épuisement, à la faim, à l’extermination de ces majorités. Le processus et le bouleversement social déclenché par la révolution de 1952 ont eu beaucoup à voir avec la prise de conscience de cinéastes engagés, comme nous le verrons vu plus tard. De cette conscience, qui se transforma en engagement avec la cause du peuple, une attitude militante naît chez ces cinéastes qui se décident à faire un cinéma engagé, politique, d’urgence et combatif.
Ce cinéma national, avide de mettre le doigt là où ça fait mal, ne plaît pas, naturellement, aux critiques et intellectuels conservateurs du statu quo, du retard et de la soumission culturelle et économique. Pour eux, les films du Groupe Ukamau sont des pamphlets extrémistes, sans aucune importance artistique; ils les méprisent et les ignorent. Certains quotidiens, comme El diario de la paz, ne parlent jamais de ce cinéma. Le directeur du journal défend à ses rédacteurs de mentionner les noms des cinéastes du Groupe Ukamau et les câbles, qui arrivent parfois de l’extérieur en apportant des nouvelles sur un prix ou des présentations, sont classés. Mais ça importe peu. Déjà s’ils n’étaient pas pris comme orientation, comme parole sainte, la critique ni l’information ne seraient réactionnaires. Déjà si on ne croyait plus au prêche de la classe dominante colonisée culturellement, qui méprise les mouvements progressistes dans l’art et qui exalte l’art pour l’art, qui défend la recherche et la définition de l’être métaphysique dans un pays où on ne sait pas définir l’être physique, la réalité objective. On comprend que tout cet effort à mépriser l’intérêt d’intellectuels et d’artistes pour la problématique nationale a pour inspirateur l’impérialisme, qui cherche l’apathie et le désintéressement des boliviens pour ses propres problèmes, qui finance les revues et les organismes culturels qui tentent de regrouper les jeunes et les valeurs nationales autour du culte de l’universel et de la problématique métaphysique. Toute expression artistique qui s’identifie avec le pays et touche des problèmes sociaux est désignée politique et on crée autour de ce concept l’acception péjorative qui est agitée comme un épouvantail sur beaucoup de jeunes poètes, écrivains, peintres. Cependant, d’autres réalisent et s’organisent parce qu’ils savent que le temps est court et que les moyens sont maigres pour combattre les puissantes machines de séduction culturelle et d’exploitation économique qu’a installé l’impérialisme, qui sert si parfaitement la classe dominante.
Maintenant il devient nécessaire de considérer le passage de ce cinéma révolutionnaire de la défensive à l’offensive. Le cinéma plaintif, pleureur et paternel du début est devenu un cinéma offensif, combatif et capable de frapper avec force l’ennemi. Comment est-ce arrivé ? Les premiers films du Groupe Ukamau montraient l’état de pauvreté et de misère de quelques couches de la population. Ces films, considérés d’abord comme très utiles, se limitaient dans le fond à rappeler à beaucoup de gens des villes, aux classes moyennes, à la bourgeoisie et la petite bourgeoisie qui assistaient aux théâtres où ils passaient qu’il existait d’autres gens, avec qui on cohabitait dans la même ville, ou qui vivaient dans les mines et en campagne, qui se débattaient dans une misère déplorable, silencieusement et stoïquement. Mais il y avait des projections populaires, des projections dans les mines ou quartiers marginaux, celles qui ont ouvert les yeux à ces jeunes cinéastes et qui les ont placés correctement. C’est là qu’ils ont découvert que ce cinéma était incomplet, insuffisant, limité; qui en plus de défauts techniques contenait des défauts de conception, des défauts de contenu. Ce furent les gens mêmes du peuple qui les ont fait remarquer ces défauts, quand ils leur ont dit qu’ils connaissaient des cas plus terribles de pauvreté et de souffrance que ce que les cinéastes montraient; en d’autres mots : avec ce type de cinéma on apprenait rien de nouveau. Les cinéastes révolutionnaires ont pensé alors qu’ils prenaient un mauvais chemin, que le peuple n’avait pas d’intérêt à connaître ce cinéma qui ne lui apportait rien, à part satisfaire la curiosité de se refléter à l’écran. Ils se sont rendus compte que la misère était mieux connue par le peuple que par les cinéastes qui tentaient de la leur montrer, puisque ces ouvriers, ces mineurs, ces paysans, étaient et sont en Bolivie les protagonistes de la misère, et que donc à part romantiser quelques bourgeois individualistes, ce cinéma ne servait à rien.
Alors la question a surgi : qu’est-ce qui est ce qui lui intéresse de connaître le peuple, puisque c’est au peuple vers qui il faut se diriger ? La réponse, alors, était claire : il intéresse beaucoup plus au peuple de connaître comment et pourquoi la misère se produit; il lui intéresse de connaître ceux qui la permettent; comment et de quelle manière on peut les combattre; il est intéressant au peuple de connaître les visages et les noms des sbires, des assassins et des exploiteurs; il lui est intéressant de connaître les systèmes d’exploitation et ses coulisses, la véritable histoire et la vérité qui lui ont été systématiquement niées; finalement, il intéresse au peuple de connaître les causes et non les effets. Ainsi on a commencé à repenser ce type de cinéma, et avec la nouvelle approche basée sur l’idée fondamentale que de l’intérêt du peuple s’orientent les passages futurs et on a réalisé les films qui contenaient et accomplissaient ces postulats, et qui sont passés de cette façon à l’offensive. On les a offerts comme armes de lutte contre la classe dominante et l’impérialisme yankee, puisque on reconnaissait dans le pays cet ennemi bicéphale. Parce que le rôle néfaste de l’impérialisme était clair et aussi celui joué par la classe dominante, la bourgeoisie vendue. Cette classe est celle qui permet l’aliénation nationale, celle qui sert d’instrument à l’envahisseur. Par conséquent, il était important aussi de divulguer le mécanisme qui change l’armée nationale en armée étrangère capable de massacrer son propre peuple en servant les intérêts de l’envahisseur. Se sont posées une série de tâches qui pouvaient clarifier des faits historiques et contribuer à annuler la manne de désinformation qui s’étendait pour empêcher la prise de conscience. Ainsi contribuer à la connaissance libératrice et à la formation d’une conscience était la tâche la plus importante, et le travail du groupe s’est dirigé de plus en plus résolument dans cette direction.
Le premier film du groupe Ukamau a déjà alarmé le gouvernement, qui n’a pas hésité, par la suite, à expulser dramatiquement le groupe de l’Institut Cinématographique où il fonctionnait, et à fermer l’organisme. Cependant, le gouvernement militaire n’a pas pu freiner la diffusion du film qui a battu tous les taux de fréquentation du pays. Ukamau était un film produit par un organisme de l’état (l’Institut Cinématographique) qui dépendait de la propre présidence de la république; de plus, la sortie a été faite avec l’aide des autorités principales, et le coprésident de l’époque Ovando a fait des déclarations élogieuses, indéniablement appuyé par l’accueil chaleureux du public, qui ont engagé la voix officielle; malgré le Ministre Secrétaire qui tout en applaudissant devant les journalistes, les réalisateurs, murmurait entre les dents : c’est une trahison. Le film a été projeté simultanément dans quelques villes de la Bolivie et l’a été à La Paz pendant neuf semaines. C’est-à-dire que la censure et la répression – manifestées en interne – ne pouvaient pas s’abattre publiquement contre un produit officiel. Plus tard on a fait détruire les copies existantes, mais déjà plus de trois cent mille personnes avaient vu Ukamau (les négatifs d’Ukamau ont failli être brûlés à Buenos Aires car le gouvernement bolivien n’a pas accepté de payer une petite dette que le défunt Instituto Cinematográfico a laissé au laboratoire). L’espoir, le public immense réel et le potentiel qu’avaient créé Ukamau étaient des facteurs qui ont déterminé une réponse davantage responsable dans la trajectoire du groupe.
C’était une grave responsabilité de disposer d’une attention si massive. On ne pouvait pas remettre à une prochaine fois le fondamental, on ne pouvait pas perdre cette heure et demie d’adresse inconditionnelle que proposait le peuple au début du cinéma national, dans des thématiques qui ne se rapportaient pas au plus urgent et qu’il y avait à dénoncer et expliquer; la pénétration impérialiste. Parmi les nombreuses actions que l’impérialisme nord-américain avait détaché contre la Bolivie dans ces années de défaitisme cynique, la campagne criminelle de stérilisation des femmes paysannes (sans leur consentement) constituait la plus alarmante. Cela non seulement parce qu’en Bolivie la mortalité infantile atteint 40 % en moyenne – ce qui signifie qu’il y a des zones avec 90 %, dans un pays, naturellement, qui n’augmente pas démographiquement – mais parce que les méthodes employées révélaient le caractère fasciste de l’impérialisme yankee. Par ailleurs, cette action contenait une sorte de possibilités allégoriques qui pourraient permettre une vision plus ample sur ce que signifie la tâche prédatrice du capitalisme qui corrompt ce qu’il exploite, qui cherche la destruction physique et culturelle des peuples. Par conséquent, la dénonciation ne suffisait pas si elle n’était pas appuyée sur une explication du contexte social, de la situation de classes et de ses contradictions. C’était aussi l’opportunité de représenter concrètement et physiquement l’impérialisme, qui pour notre peuple ne cessait pas d’être une abstraction insaisissable. L’histoire de Yawar Mallku, inspiré de faits réels, a été travaillée en considérant ces aspects et en suivant fidèlement les postulats théoriques d’un cinéma offensif, combatif. Les résultats ont été encourageants.
Comme résultat immédiat à la diffusion de Yawar Mallku on peut noter que les Nord-Américains ont arrêté totalement la distribution massive de contraceptifs, ils ont retiré du pays tous les membres de leur organisation qui avaient travaillé aux trois centres de stérilisation fonctionnant en Bolivie et ont affronté la démission interne d’autres éléments, sans encourager à démentir l’accusation qui a été adressée contre eux dans leur pays depuis des journaux conservateurs. Plus tard on a pu apprendre le cas d’une population paysanne qui a été sur le point de lyncher trois Nord-Américains des Peace Corps, en les accusant de stérilisateurs. Indirectement, le film a agi dans d’autres secteurs : deux communautés paysannes du Haut plateau ont empêché l’accès des Peace Corps, en alléguant qu’elles connaissaient leurs pratiques par les dénonciations du film relayées à la radio. En 1971, devant l’évidence des preuves de diverses activités antinationales et la pression croissante, le gouvernement bolivien expulse les Peace Corps. C’était donc la pratique qui confirmait qu’un cinéma révolutionnaire pouvait être une arme.
Indubitablement la situation et les conditions objectives et subjectives de la Bolivie étaient particulières et elles ont permis qu’une oeuvre engagée mobilisât l’opinion publique, en utilisant pour cela les mêmes canaux de diffusion qui sont utilisés habituellement par les classes dominantes avec un caractère exclusif dans d’autres pays. Mais on ne peut pas non plus ignorer que pour que cela fût possible, il était nécessaire que le groupe se proposât de produire un cinéma d’intérêt et d’attraction populaires. C’est-à-dire un cinéma dont l’objectif reposait sur la contribution à créer une conscience à travers la communicabilité avec le peuple. Il s’agissait d’approfondir une réalité et la clarté du langage ne pouvait pas provenir de la simplification mais de la lucidité avec laquelle la réalité était synthétisée. Cependant, malgré le fait que Yawar Mallku avait attiré un public gigantesque, malgré les résultats extraordinaires par rapport aux objectifs du film, on peut dire qu’il n’avait pas encore atteint, pleinement, une communicabilité de participation active. Sa structure narrative propre au cinéma de fiction plaçait la dénonciation à la limite de l’invraisemblable.
Il était nécessaire de dépasser cette limite et d’atteindre un cinéma populaire qui abordait les faits réels avec des éléments. S’il était indispensable de travailler sur la réalité et la vérité en manipulant l’histoire vivante, quotidienne, il était indispensable pour cela de trouver les formes capables de ne pas affaiblir ni trahir idéologiquement les contenus comme c’est arrivé avec Yawar Mallku, qui en portant sur des faits historiques se servait de formes propres au cinéma de fiction sans pouvoir prouver, par sa limitation formelle, sa propre vérité.
Les expériences postérieures ont souligné la conscience de ces problèmes : Los caminos de la muerte et El coraje del pueblo constituent les deux tentatives du groupe pour atteindre un cinéma révolutionnaire et documentaire.
A SUIVRE …